Ce roman est vraiment un objet bizarre. Sur la route (le rouleau original) aurait été présenté aux éditeurs, sous la forme d’un manuscrit inhabituel. Les pages étaient collées, les unes à côté des autres, et roulées ensemble pour en faire un rouleau. Ce rouleau, lorsque déroulé, s’étendait sur 30 mètres, un peu comme une route qui se prolonge linéairement. Naturellement, ce manuscrit a été refusé partout, parce que considéré comme non présentable.
L’auteur Jack Kerouac devra retravailler son manuscrit qui sera présenté sous une forme plus conventionnelle, pour ensuite être censuré de façon à devenir publiable en fonction des critères moraux de cette époque. Le «branding» de l’éditeur était aussi en cause et cette oeuvre corrigée sera publiée en 1957 sous une 3e version très censurée. Les relations homosexuelles, les obscénités, les filles faciles ou les épouses abandonnées, les abus d’alcool et de drogues en faisaient un roman qui risquait d’être bombardé de poursuites en diffamation et l’éditeur se méfiait du conservatisme de la société.
Ce roman aurait été écrit en 3 semaines, en avril 1951, par son auteur qui travaillait sans interruption, mais sous l’effet d’un stimulant (benzédrine). L’action se déroule de 1947 à 1949, soit tout juste après la fin de la 2e guerre mondiale. Le territoire américain est vaste et les highways font partie de la culture américaine. Ce roman est partiellement autobiographique alors que Jack Kerouac (1922-1969) faisait le deuil de son père et de son frère, en plus d’un divorce et des problèmes de santé : tout cela l’influençait.
Le thème principal est probablement ce désir d’errance sans fin, les destinations n’étant qu’un prétexte à des déplacements d’un bout à l’autre des États-Unis, et aussi du Mexique présenté comme un Nirvana sur cette Terre. C’est la recherche d’un ailleurs meilleur qui motive ces compagnons de route qui traversent l’Amérique, avec 50$ en poche, soit en faisant du pouce, en circulant dans des autobus régionaux ou en utilisant des autos, plus ou moins légalement, sans aucune considération pour la conduite préventive ou le Code de la route. Le carburant était peu dispendieux et des auto-stoppeurs pouvaient participer aux frais du voyage dans lequel les marginaux et les vagabonds se côtoient.
La vulgarité de la langue de ces personnages est traduite dans un français très européen (argot) ce qui me semblait agaçant. Cette édition contient non pas une préface, mais bien 4 préfaces, toutes plus intéressantes les unes que les autres, écrites par 4 auteurs différents. Elles occupent les 150 premières pages de ce volume réédité dans une version économique. Un aveu : j’ai préféré ces préfaces au roman, car je ne m’identifiais pas à ces personnages d’une autre époque, ayant une personnalité plutôt casanière. La fin du rouleau aurait été dévorée par un chien : c’est grâce à un appendice que nous connaîtrons cette fin. Il est écrit comme Jack Kerouac l’avait écrit, sans être divisé en chapitres et sans aucun paragraphe : cela ne facilite pas la lecture.
À ma grande surprise, ce roman ne touchait pas à la contre-culture des années 60, ni aux mouvements hippies. Chez ces vagabonds motorisés, l’amour du jazz rythmé (be-bop), lors de soirées bien arrosées, la méfiance au sujet de la bombe atomique et aussi de l’ordre établi, sont précurseurs aux grands mouvements sociaux qui auront lieu 20 ans plus tard. J’étais sur une fausse impression, avant de lire ce classique pour la première fois, croyant à tort que les personnages évoluaient à cette époque des baby-boomers que j’ai bien connue. Nouvelle édition (2012) : 622 pages.
TITRE: Sur la route (le rouleau original) AUTEUR : Jack Kerouac ÉDITEUR : Folio